Les blockhaus dans le Parc de Maisons-Laffitte

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blockhaus Desaix

La semaine dernière, nous vous racontions le Parc de Maisons-Laffitte au temps de l’Occupation. Cette semaine, nous souhaitons vous présenter l’un des bâtiments les plus singuliers du Parc : le blockhaus, imposant bloc de béton et sur lequel s’est développé une végétation dense.

Un blockhaus, nom allemand donné à une casemate, aussi appelé bunker en anglais, est un local d’une fortification, d’un fort ou d’une tranchée. Souvent partiellement enterré, il est conçu pour résister à l’épreuve des tirs. On peut classer les blockhaus en deux catégories : les casemates passives destinées à abriter des troupes ou du matériel (comme le Führerbunker par exemple) et les casemates actives destinées à protéger des organes de tirs (pour l’artillerie et l’infanterie). Les blockhaus passifs en béton armé, tels qu’on peut les observer dans le Parc, remontent à la Première Guerre Mondiale où ils furent massivement utilisés par l’armée allemande.

Des ateliers de transformation des chars français au Blockhaus

En 1940, après la défaite des forces alliées et l’évacuation des troupes vers l’Angleterre, les allemands récupèrent un grand nombre de chars blindés anglais et français sur tout le territoire conquis. Certains étaient utilisables en l’état, d’autres, plus endommagés. Ils furent démontés pour créer un stock de pièces détachées. Dans un premier temps, cette transformation se fera en Allemagne, par le Baukommando Becker, dans les usines Alkett. Maisons-Laffitte fut choisie comme site de transformation du matériel saisi pour le rendre compatible avec les munitions allemandes. Ses atouts étaient la proximité des usines Hotchkiss à Saint-Denis et Renault (où beaucoup de blindés furent produits) à Boulogne, la possibilité d’utiliser le début de la voie du « train des courses » qui longeait le camp militaire et la présence du champ de tir, des installations du camp « Galliéni », la protection naturelle de la forêt.

Blindé Hotchkiss transformé par le Baukommando Becker à Maisons-Laffitte*

Pas moins de 44 véhicules blindés, les Beutepanzer, furent ainsi reconditionnés à Maisons-Laffitte. En attente d’affectation, ils furent parqués à deux endroits : sous la halle du marché et dans le Parc, à l’angle des avenues Fénelon et Albine. Le stationnement des blindés avenue Albine permis aux troupes allemandes de se rendre rapidement sur les champs de tir en forêt, où se déroulaient les essais.

La construction des blockhaus

A partir de 1941, les allemands s’installèrent dans les Yvelines, notamment à Saint-Germain-en-Laye et à Maisons-Laffitte. Ces sites sont gardés secrets pendant toute la durée de la guerre malgré leur importance. Hitler ordonna la construction de 22 blockhaus à Saint-Germain-en-Laye pour protéger le maréchal Von Rundstedt, installé au pavillon Henri IV. Quant à Maisons-Laffitte, elle a recueilli le stationnement du bataillon chargé de modifier les armes prises à l’ennemi pour les rendre compatibles avec les munitions allemandes. En 1943, on y installa un autre bataillon, le Flakregiment 155W. Derrière ce nom de code, se cache sa véritable mission : réussir à bombarder Londres avec des missiles V1 et V2.

C’est en 1944 que l’organisation Todt construisit quatre grands blockhaus chauffés et équipés de filtration anti-gaz de combat, ainsi que quinze postes de défenses, mini-blockhaus équipés de mitrailleuses. Le 11 janvier, Rommel en personne inspecta le Baukommando de Maisons-Laffitte en présence du Major Becker.

Cet ensemble s’inscrit dans l’édification d’un réduit fortifié de 22 hectares dans le Parc, destiné à la protection du commandement de la Wehrmacht en cas de bombardement des villas réquisitionnées.

Les points symbolisent les casemates actives, les croix symbolisent les blockhaus passifs

L’après-guerre : que faire de ces bunkers ?

Resté silencieux pendant l’occupation, le Conseil Syndical de l’ASP adressa pour la première fois la question des Blockhaus lors de l’Assemblée du 24 juin 1946, et indiqua avoir contacté l’entreprise ayant participé à sa construction pour organiser la démolition.  Le président Dufoy s’adressa aux résidents en ces termes : « Les anciens occupants de sinistre mémoire, ont continué leurs méfaits et ont systématiquement saccagé nos réserves et nos routes, ils ont construit des fortins sur nos avenues et sur nos places et ont défoncé nos réserves ou ont élevé de véritables forteresses bétonnées qui n’ont servi qu’à détériorer notre patrimoine ». La question se posa de savoir comment se débarrasser de ces constructions inesthétiques et indésirables qui ont durent coûter fort cher à établir mais qui couteraient également beaucoup à détruire.

Un bilan estimatif fut alors établi afin de chiffrer les dégâts causés tant par l’occupation allemande que par les bombardements. Le montant de ce devis s’élevait à la somme de 7 800 000 francs (soit environ 600 000 euros). Le Conseil Syndical se demande alors quel serait le montant des indemnités de guerre qu’il pourrait percevoir, qui pourrait les verser et dans quelle proportion ? Ce point, tout particulièrement, inquiéta les syndics car le devis estimatif était exorbitant et ne pourrait être absorbé par les seules cotisations.

A la même époque, un autre devis fut établi par l’entreprise qui avait construit les blockhaus, la Compagnie Continentale de Travaux Publics (67 avenue Niel à Paris) : pour la démolition de l’abri bétonné se trouvant avenue Jean-Jacques Rousseau, la somme demandée s’élevait à 1 650 000 francs pour la démolition et à 390 000 francs pour le transport des gravats à la décharge.

La décision fut donc rapidement prise de ne pas détruire ces blockhaus et de les laisser en l’état, dans les réserves. Les entrées furent scellées, on laissa la nature suivre son cours et se développer naturellement autour et sur les constructions. A la fin des année 70’, le nombre « d’intrusions » et de « squattes » nocturnes dans les blockhaus, dont les portes en métal étaient rouillées, se multiplièrent à tel point que l’ASP fut contrainte de reboucher les portes avec des parpaings. A la fin des années 90, les intrusions nocturnes reprisent de plus belle ce qui contraint l’ASP à recourir à de moyens plus radicaux : d’imposants blocs de béton furent posés devant les entrées, puis recouverts de terre.

Aujourd’hui, 3 de ces blockhaus sont visibles dans les réserves de l’ASP :

AvenuesJean-Jacques RousseauDesaixManuel
Surface335 m²220 m²221 m²
Nb de pièces56NC
Type d’abrisPassifPassifPassif
blockhaus JJ Rousseau
Avenue JJ Rousseau
blockhaus Desaix
Avenue Desaix
Blockhaus Manuel
Avenue Manuel

Le quatrième blockhaus, qui se trouve sur la propriété privée de la Résidence Desaix, avenue de la Moskova, se compose d’un abri passif de 145m², composé de 6 pièces. Une casemate active est encore visible non loin de la Résidence Desaix.

Casemate active

Ils restent condamnés et inaccessibles aux particuliers. Vous pouvez toutefois les observer « de l’extérieur » au détour d’une ballade dans le Parc.

*Crédit photo : https://www.gites-lespetitesecuries.fr/maisons-laffitte-hier/

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